Lundi 25 décembre 2023
Oyez oyez les Antilopidæ,
Le 5 janvier paraîtra à l’Antilope « Cherche David éperdument », le nouveau roman de Paule Darmon.
Peut-être seriez-vous curieux de connaître tout ce qui s’est passé avant la sortie du livre de l’imprimerie… Par exemple, comment Paule Darmon a eu l’idée de raconter cette histoire. Comment elle nous a envoyé son manuscrit. Et ce qui s’est passé dans les bureaux obscurs de l’Antilope jusqu’à la publication du livre. Eh bien, vous savez quoi ? Nous allons vous le raconter !
Le feuilleton commence demain et se poursuivra jusqu’au 5 janvier. À demain 😉
Mardi 26 décembre 2023

Depuis hier, nous vous imaginons en proie à une dévorante impatience à l’idée de savoir comment s’est écrit « Cherche David éperdument », le roman de Paule Darmon à paraître le 5 janvier. Aujourd’hui, Anne-Sophie a pris son calepin de petit reporter à la Tintin pour interviewer Paule Darmon à propos de la genèse de son projet. Bon, comme Paule habite à Buenos Aires, on vous avoue que l’interview a pu être mené grâce aux moyens de communication les plus modernes.

Paule Darmon : «Tout commença par un thé à la menthe chez ma mère un après-midi de 1992, où Perla, une de ses amies du Maroc, nous fit le récit, truculent, de son frère David, lequel, à soixante-dix-huit ans, retiré des affaires et à demi-mort d’ennui, retrouva toute son énergie en recevant l’appel de celle dont il avait été follement amoureux à Fès en 1928 : une jeune française arrivée d’Algérie avec sa mère, que les rigueurs rabbiniques lui avaient interdit d’épouser, car un Cohen n’épouse pas une convertie.»
Qu’est-ce donc que cette histoire ? En quoi un nom de famille, Cohen en l’occurrence, pourrait interdire d’épouser qui l’ont veut ? C’est que, selon la loi juive, une personne qui porte le nom, et donc le titre de Cohen (« prêtre » en hébreu) est le descendant de Aaron, le frère de Moïse, qui fut le premier prêtre des Hébreux au Sinaï ; et depuis lors, les « prêtres » ne sont pas autorisés à épouser ni une femme divorcée ni même une femme convertie, alors les autres Juifs peuvent faire comme bon leur semble. Du coup, on comprend que dans le Maroc très traditionnel des années 1930, il était difficile de se soustraire à cette loi.
Comment Paule Darmon a-t-elle mis à profit cette histoire pour en faire un roman ? Vous le saurez demain 😉
Mercredi 27 décembre 2023
Nous en étions hier au moment où Paule Darmon se laisse happer par une histoire que lui raconte une veille dame marocaine : un Cohen empêché, dans les années 1930, d’épouser l’amour de sa vie sous prétexte qu’elle n’est pas juive et qu’un Cohen ne peut pas épouser une convertie.
Anne-Sophie, notre reporter et non moins directrice éditoriale, a continué d’interviewer Paule Darmon pour en savoir davantage, et voici ce que l’auteur (précisons que Paule ne supporte pas d’être appelée « autrice »), soucieuse de garder le suspens sur son livre, a quand même confié : « Cette tragédie était d’autant plus tragique que Claire, l’élue, portait en secret le fruit de leurs amours. Bref, une tragédie qui n’empêcha aucunement la terre de tourner et la vie de continuer. Et ne voilà pas que cinquante ans plus tard, la jeune Claire, allant gaillardement sur ses soixante-douze printemps, réapparaît sans crier gare.
Une passion contrariée sur fond de Maroc colonial, avec en prime une héroïne de soixante-douze ans partie à la recherche de son premier amour, il n’en fallait pas d’avantage pour me mettre la cervelle en ébullition. »
Mais pour faire de cette tragédie un roman, Paule Darmon a opéré un retournement. Comment ? C’est ce que vous découvrirez demain dans le prochain épisode…
Jeudi 28 décembre 2023
Hier, nous vous promettions de vous dévoiler comment Paule Darmon a retourné l’histoire qu’elle racontait pour construire son roman.
En fait, nous, à l’Antilope, quand Paule nous a envoyé son manuscrit, nous ne savions pas de quelle histoire elle s’était inspirée. Paule est née et a grandi au Maroc dans une famille juive, alors nous nous attendions naturellement à ce que Claire, son héroïne, soit son double. Pff… ce que les éditeurs peuvent être simplistes, parfois…
Paule Darmon : « L’histoire que m’a racontée Perla, l’amie de ma mère, était contée du point de vue de l’homme, de David. C’est lui qui se laissait surprendre à soixante-dix-huit ans, par l’amour de sa vie qu’il avait perdu de vue depuis plus de soixante ans et qui avait fini par le retrouver. Moi, j’ai eu envie de raconter cette histoire du point de vue de la femme. Je me suis mise dans la peau de Claire, j’ai eu envie de la saisir alors qu’elle a plus de soixante-dix ans, et de lui faire remonter le temps jusqu’à l’amour de ses quatorze ans à Fès. Ça, c’est le premier retournement. Et le second, c’était de me mettre dans la peau de cette jeune fille non juive, fille d’une pied-noir d’Algérie, et de raconter comment ces femmes et ces hommes, juifs autochtones, colons non-juifs, entraient en relation dans le Maroc et l’Algérie de l’époque. Évidemment, je voulais parler d’un temps que je n’ai pas connu puisque je suis née après guerre. Alors il m’a fallu faire beaucoup de recherches…»
Ces recherches, Paule Darmon vous en parlera dans l’épisode de demain 😉
Vendredi 29 décembre 2023
Nous en sommes restés au moment où Paule voulait nous raconter les recherches qu’elle a effectuées pour écrire son roman. Alors sans plus tarder, nous lui laissons la parole.
Paule Darmon : «Un film. En fait, cette histoire, je la voyais en film : un couple d’amoureux sur fond de couleur locale, des paysages grandioses, une reconstitution historique et une vieille dame encore jeune et sexy nous menant du Maroc de 1928 à celui de 1992.
L’écriture du scénario exigeant une mise à jour de mes souvenirs d’enfance, j’entrepris une recherche tous azimuts sur le Maroc des années 30, écumai bouquineries et marchés aux puces, à la recherche de guides touristiques, de cartes postales anciennes, de romans et de récits de voyages. Avec le même souci d’authenticité, j’interrogeai oncles, tantes, amis et vieux fassis, accumulant ainsi une documentation considérable qu’il me semblait devoir compléter par une saisie à bras le corps de la réalité marocaine afin d’engranger de l’image et de vérifier que la maison Cohen correspondait bien aux dires de Perla. »
Là, on reconnaît bien notre Paule Darmon, celle de son précédent roman « Robert De Niro, le Mossad et moi », l’histoire d’une cinéaste qui remue ciel et terre pour produire un film sur l’espion israélien Elie Cohen. (Encore un Cohen, mais qu’a-t-elle donc avec tous ces Cohen ?) Bon, ne nous égarons pas. Dans ce feuilleton, c’est de « Cherche David éperdument » dont il est question. Paule Darmon nous parle d’un film, et finalement, c’est un livre qui va sortir. Alors, que s’est-il donc passé pour que l’auteur préfère la littérature au cinéma ?
Samedi 30 décembre 2023
Grâce aux épisodes précédents et aux confidences faites à Anne-Sophie, nous savons à présent comment Paule Darmon a renoncé à son projet de film au profit d’un roman. Alors tendons à nouveau notre micro en direction de l’auteur…
Paule Darmon : « La première version de Retour à Fès fit l’unanimité de tous les éditeurs parisiens qui répondirent avec un ensemble touchant que mon roman ne correspondait pas à leur ligne éditoriale. Ignorant ce qu’était leur ligne éditoriale, je me remis au travail, étoffais les personnages, créais des situations, tout en continuant à me documenter sur le Maroc, la vie des juifs avant et après le Protectorat, etc… Mais pour une raison inconnue, je ne parvenais pas vraiment à m’y remettre, alors je décidais de reléguer mon texte au fond d’un tiroir.
La terre, cependant, continua de tourner, et moi avec.
Dans le cours de l’année 2001, je rencontrai une Argentine fraichement divorcée d’un Bolivien avec lequel elle avait vécu à Sucre, ville qu’elle disait si minuscule que, dans mon ignorance géographique, j’imaginai une bourgade composée de cinq maisons regroupées autour d’une église. Un lieu idéal en somme pour écrire sans être dérangée. La perspective de me remettre à mon Retour à Fès dans un village perdu au milieu de l’hémisphère sud-américain me parut soudain très excitante. Je me rendis dans une agence de voyages pour y acheter un Paris-Sucre valable six mois. La préposée m’expliqua alors, avec indulgence, que la ligne Paris-Sucre n’existait pas, mais qu’un Paris-Lima avec retour par Santiago du Chili me donnerait le temps et l’occasion de visiter le Machu Pichu.
Je visitai donc Lima et Nasca, essuyai un tremblement de terre force 7,9 à Arequipa et finis par rejoindre Cusco où, remise de mes émotions, je me mis au travail. Arrivée au premier tiers du roman, alors que je planchais sur un chapitre de mon Retour à Fès, je me sentis terrassée par une vague d’ennui insurmontable. Un état de fatigue que je n’avais encore jamais éprouvé et dont je ne parvenais pas à déterminer l’origine. Je relus mon chapitre, y apportai quelques corrections, mais dus me rendre à l’évidence : le Maroc m’ennuyait. Après tant de passion et de recherches, j’étais victime d’une surdose de Maroc. Je ne voulais plus entendre parler de Fès, du mellah, des Français, des Juifs et des Arabes. Jusqu’à la ténacité de ma vieille dame à redécouvrir un Maroc qui me semblait aussi convenu qu’un dépliant touristique. Je refermai mon ordinateur et, allongée sur le lit de ma chambre d’hôtel, je contemplai le plafond en me demandant ce que diable j’étais venue faire à Cusco et comment j’allais utiliser mes six mois de séjour dans l’empire des Incas. »
Paule Darmon va-t-elle totalement abandonner son projet de roman ? Bon, là, on triche, parce que vous savez que ce ne sera pas le cas. Mais ce que vous ne savez pas, c’est comment l’auteur a trouvé une idée pour relancer son récit et en faire une histoire planétaire où l’héroïne joue à saute-mouton par dessus les frontières… Vous le découvrirez demain, dans le prochain épisode 🙂
Dimanche 31 décembre 2023

Hier, nous avons laissé Paule Darmon dans un bled bolivien, tentant, malgré une overdose de Maroc, de mettre à profit une retraite de six mois pour terminer son roman dont le titre n’est pas encore « Cherche David éperdument ». Laissons-la nous raconter la suite.

Paule Darmon : « Je visitai donc le Machu Pichu ainsi que tous les temples alentour, entrepris une visite systématique des églises de la région et, arrivée à San Blas, ma cervelle se remit brusquement à fonctionner à la vue des ruelles en pente et des balcons bleus si semblables à ceux du mellah de Fès. Et si, me dis-je alors, au lieu de tourner en rond à travers le Maroc, ma vieille dame partait sur les traces de son David en Amérique latine ? Hein ? Un juif marocain dans les Andes, cela changerait du classique migratoire judéo-marocain. Et pour abracadabrante que fut cette idée, il me revenait de la transformer en réalité.
Je quittai donc Cusco, longeai le lac Titi Caca, passai la frontière et, de bus en autocars brinquebalants, gagnai La Paz.
Le désordre et la folle exubérance de cette ville m’enchantèrent. Y avait-il des Juifs en Bolivie ? Et si oui, d’où venaient-ils ? Comment avaient-ils atterri sur ces sommets vertigineux ? Tout en alignant les chapitres, je parcourus le pays du nord au sud et d’est en ouest et achevai le premier jet de « La route des andes » à mon retour à Paris.»
Voici donc que le scénario devenu manuscrit de roman change une première fois de titre… « Retour à Fès » devient « La route des Andes » Mais nous ne sommes encore qu’au milieu des années 2000, gageons que l’histoire n’est pas terminée. Vous l’aurez à présent compris : la suite demain. 🙃 (ce smiley c’est parce que nous sommes passés dans l’hémisphère sud)
Lundi 1er janvier 2024
Bonne année, les Antilopidæ, que 2024 vous apporte beaucoup de soleil et éloigne les ténèbres de votre vie…
Hier (en 2023 donc), nous avons laissé Paule Darmon dans les Andes au milieu des années 2000. Elle avait remanié totalement son manuscrit, il s’intitulait encore « La route des Andes ». Mais voilà que le destin s’est emparé d’elle. Écoutons-la se confier à nouveau à Anne-Sophie qui rallume son magnéto et tend son micro.
Paule Darmon : « En 2008, je décidai de m’installer à Buenos Aires où je me mis à peindre de grandes toiles colorées et appris à danser le tango argentin. Cette aventure extraordinairement enthousiasmante (qui dure toujours) m’a tellement happée qu’elle m’a détournée pour quelques années de la littérature.
En 2019, confinée pour cause de Covid et victime d’une crise d’inspiration picturale, je m’assis à nouveau devant mon ordinateur et bouclai en deux mois la première version de « Le Mossad et moi ». Je l’adressai à plusieurs maisons d’édition dont les éditions de l’Antilope dont des amis m’avaient dit du bien.
Les éditions de l’Antilope me firent attendre longtemps, mais leur réponse me combla de joie ! Le roman, rebaptisé « Robert De Niro, le Mossad et moi » sortit en septembre 2022 et reçut le meilleur accueil.
Profitant de la clémence inespérée des temps, je ressortis de mon tiroir le manuscrit de « La route des Andes » et le soumis à Anne-Sophie et Gilles qui l’acceptèrent avec enthousiasme.»
Il reste quatre jours avant la publication de « Cherche David éperdument ». Vous vous demandez sans doute comment le titre est passé de « La route des Andes » à « Cherche David éperdument ». Eh bien c’est ce que nous vous raconterons demain. 🙂
Mardi 2 janvier 2024
Nous en sommes restés hier au moment où Paule Darmon est folle de joie car, après avoir publié « Robert De Niro, le Mossad et moi », nous décidons de publier son nouveau roman. Enfin pas si nouveau que cela puisque, comme elle nous l’a confié dans un épisode précédent, elle a eu l’idée de raconter cette histoire en … 1992.
Le manuscrit s’est d’abord appelé « retour à Fès » puis « La route des Andes », mais quand Paule nous a envoyé la version définitive, il avait déjà changé de titre. Il s’appelait « La senorita idéal ». Nous n’étions pas très partants pour ce titre car il nous semblait que, pour le comprendre, il fallait avoir lu le livre, et appris que cette phrase était la légende d’une photo déterminante dans l’histoire. Alors a commencé un chassé-croisé de messages WhatsApp, de mails, de conversations téléphoniques ou vidéo entre Buenos Aires et Paris afin de se mettre d’accord sur un titre.
Notre graphiste a dû refaire plusieurs fois la couverture (comme en témoigne l’image associée à ce post). Voilà la liste des titres auxquels vous avez échappé : Deuxième jeunesse, Un second souffle, La senorita idéal, L’amant de Fès, L’homme de Fès, À la recherche de David, En quête, La jeune fille de la photo, Où est passé David Cohen. Quand Paule Darmon a proposé « Cherche David désespérément », nous nous sommes dit que nous n’etions. À partir de ce moment, tous les adverbes y sont passés : Incessamment, Instamment, Follement, Obstinément… jusqu’à ce que Éperdument fasse l’unanimité. Ce serait « Cherche David éperdument ».
Mercredi 3 janvier 2024
Une fois que Paule Darmon nous a remis son manuscrit définitif, celui-ci est passé entre les mains expertes d’Anne-Sophie qui a fait son petit travail de fourmi. Certains s’imaginent que l’éditeur se contente de recevoir un manuscrit et de l’envoyer à la mise en page avant impression. Ah, mais vous n’y êtes pas ! Anne-Sophie passe le texte au crible pour traquer les répétitions, les invraisemblances (mais si la dame est sortie à sept heure du soir, comment a-t-elle pu prendre un coup de soleil ?), les coquilles. Anne-Sophie aime bien les qui et les que, mais sans excès (l’homme que j’avais rencontré au bar m’avait dit qu’il devait partir tôt). Anne-Sophie n’adore pas les qu’on, ça fait qu’on qu’on, elle préfère les que l’on. Anne-Sophie est très forte en typographie, elle vérifie tous les portemanteaux, porte-documents, porte-avions, porte-bébé, portevoix dans un ouvrage qu’elle garde à portée de main depuis plus de quarante ans intitulé Dictionnaire des difficultés de la langue française. Elle n’a pas sa pareille pour ouvrir et fermer des guillemets, savoir quand on écrit 18 ou dix-huit, et si on écrit première guerre mondiale, Première Guerre mondiale ou première Guerre Mondiale (et si vous nous disiez en commentaire la forme correcte ?). Elle pourra vous faire un cours afin de savoir quand on écrit juif sans majuscule et quand avec.
Une fois ce travail effectué, Anne-Sophie envoie le texte à Cédric, le garçon formidable qui nous conçoit aussi de si belles couvertures). Cédric nous renvoie le texte mis en page, exactement comme il sera dans le livre. À ce moment, Gilles, qui a été le premier à lire le texte quand Paule Darmon l’a envoyé, le redécouvre. Il s’agit de relire les épreuves pour s’assurer que tout va bien avant d’envoyer à l’impression.
Et alors là, Gilles a été à nouveau happé par l’histoire de Claire tombée amoureuse de David. Il s’est laissé emporter par les parfums du Maroc des années 1930 et par tous les autres pays que Claire traverse avant et après s’être lancée éperdument à la recherche de son David. Mais à ce stade, ni Paule, ni Anne-Sophie ni Gilles ne vous en diront plus, ils vous laissent découvrir le livre…😉
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